Originaire de Normandie, Romain Matura n’est pas de ces chefs tombés dans la marmite dès l’enfance. Au contraire, rien ne le prédestinait à la cuisine. Il entame sa carrière par des études d’économie et sociologie et un début de vie professionnelle « classique », avant de partir un an en Martinique, où il découvre l’univers de la restauration, côté salle. Mais c’est à son retour, à 28 ans, qu’il décide de changer radicalement de voie : direction l’école hôtelière d’Amiens. Un choix tardif mais décisif.
Très vite, il décroche une opportunité exceptionnelle chez Michel Guérard, dans les Landes. Un choc pour celui qui, à l’époque, ne savait même pas monter une mayonnaise. « J’ai pris goût à cette cadence presque sportive, à cette rigueur, à cette exigence. » C’est le déclic. Depuis, il n’a cessé de rattraper le temps, multipliant les expériences, les maisons, les techniques, avec une volonté farouche de progresser.
Aujourd’hui, à 38 ans, il signe sa première carte en tant que chef exécutif à la Borde en Sologne, un hôtel niché en pleine Sologne, entouré de forêt, où il propose une cuisine française à la fois classique et contemporaine.

Entretien avec Romain Matura
Vous avez commencé la cuisine sur le tard. Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Je cherchais un métier qui me permettrait de voyager. Je n’avais aucun lien avec la cuisine, ni familial ni affectif. C’est venu comme ça, un peu sur un coup de tête. Mais une fois dedans, je me suis pris au jeu. C’est un métier exigeant, complet, très physique, presque comme un sport de haut niveau et avec énormément de valeurs. Cuisiner est un acte militant. J’ai tout de suite accroché.

Chez Michel Guérard, vous avez vécu une expérience déterminante ?
Complètement. C’était intense. Travailler dans une maison trois étoiles, entouré de 40 cuisiniers, ça vous forge. À l’époque, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais. C’est en partant que j’ai compris la valeur de cette expérience, à travers le regard des autres chefs.
Vous n’avez jamais eu le syndrome de l’imposteur ?
Si, bien sûr. Quand on commence à 28 ans, on a l’impression de toujours avoir dix ans de retard. J’ai souvent croisé des chefs de partie qui avaient huit ans de moins que moi. Ça m’a poussé à aller plus vite, à apprendre plus fort.

Comment décririez-vous votre cuisine aujourd’hui ?
Je cherche un équilibre entre le classique et une touche de modernité. J’aime les bases solides de la cuisine française. Ce n’est pas un gros mot d’être classique, surtout dans un lieu comme celui-ci, avec ce cadre si élégant. Mais je ne veux pas tomber dans l’ennui non plus, alors je m’amuse avec des influences plus exotiques, des textures, des produits qui changent au fil des saisons.

Vous avez un plat signature ?
Pas à proprement parler, mais il y a une entrée que j’aime particulièrement : une salade maraichère. C’est une composition de légumes crus et cuits, de fruits de saison, de pommes de terre, avec une touche sucrée, des herbes fraîches, une crème fouettée, un gâteau au curcuma… C’est très simple, mais en constante évolution. Elle reflète bien mon approche : du goût, du végétal, et une grande liberté.

Quelle clientèle vient aujourd’hui à la Borde en Sologne ?
On est à deux heures de Paris, donc beaucoup de Parisiens viennent ici se ressourcer. Je pensais travailler surtout pour des chasseurs, vu qu’on est en Sologne, mais ce n’est pas le cas. Les gens viennent pour le calme, la nature, les châteaux de la Loire. C’est une clientèle curieuse, exigeante, mais aussi ouverte.

Comment abordez-vous la question du local ?
Je pense qu’il faut rester cohérent avec le lieu, sans se fermer. On travaille des produits de Loire, du gibier, des poissons de rivière, mais aussi des poissons de mer. Il ne faut pas tomber dans le dogme du 100 % local à tout prix. À 20 minutes d’ici, il y a Christophe Hay, qui fait ça à la perfection. Tout en gardant omniprésent l’importance du soucis du sourcing des produits (saisons, éthique et qualité (engagement Ethic Ocean, Collège Culinaire de France) moi je préfère une cuisine plus libre, festive et voyageuse.
Votre famille vous a soutenu dans cette reconversion ?
Ils ont été surpris, mais oui. J’avais un bon job, un CDI en main, et j’ai tout quitté pour bosser deux fois plus et gagner deux fois moins. Ils ont trouvé ça courageux. Je pense qu’au début, ils pensaient que ça ne durerait pas. Mais dix ans après, ils viennent manger ici et sont très fiers.
Informations pratiques
La Borde en Sologne - Château & Spa" restaurant Mémoire
41230 Vernou-en-Sologne
📍 laborde-sologne.fr
Menu découverte : 75 €
Accord mets & vins : 30 €
Le restaurant est ouvert aux clients de l’hôtel comme aux visiteurs extérieurs, sur réservation.