Eddie Benghanem : l’équilibre parfait entre tradition et émotion
Eddie Benghanem : l’équilibre parfait entre tradition et émotion

Eddie Benghanem : l’équilibre parfait entre tradition et émotion

Figure emblématique de la pâtisserie française, Eddie Benghanem officie depuis 2008 au Waldorf Astoria – Trianon Palace Versailles, où il dirige l’ensemble de la création sucrée. Formé dans les plus grandes maisons parisiennes — du Ritz à l’Hôtel de Crillon, en passant par le George V — le chef incarne une pâtisserie élégante, sincère et maîtrisée. Son dessert signature, la tarte au citron, est devenu au fil du temps une icône du palace versaillais : un équilibre subtil entre acidité, douceur et émotion. Rencontre avec un artisan de la justesse et du goût.

Eddie Benghanem

Yanis Bargoin : Pour commencer, pouvez-vous revenir sur votre parcours : de votre formation jusqu’à votre arrivée au Trianon Palace et la prise de responsabilité de la pâtisserie ?

Eddie Benghanem : Mon parcours a débuté par un apprentissage de 1989 à 1991, qui m’a permis de poser les bases solides de mon métier. J’ai ensuite intégré la maison Weiss en tant que commis pâtissier de 1992 à 1993, avant de rejoindre notre maison familiale comme pâtissier en 1993-1994. Mon expérience s’est enrichie au Ritz Paris, où j’ai travaillé comme commis pâtissier de 1994 à 1996, puis à l’Hôtel de Crillon en tant que chef de partie, puis sous-chef pâtissier de 1996 à 1999. J’ai poursuivi mon évolution au Four Seasons Hotel George V comme sous-chef pâtissier en 2000-2001, avant de revenir au Ritz Paris comme chef pâtissier de 2001 à 2008. Depuis 2008, j’ai l’honneur de diriger la pâtisserie du Waldorf Astoria – Trianon Palace à Versailles, où j’ai pu mettre en place ma vision et ma signature pâtissière.

Vous avez fait de la tarte au citron un de vos desserts signatures. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce dessert et pourquoi avoir choisi ce classique pour l’« icône » ?

EB : La tarte au citron est un dessert classique, simple et immédiatement reconnaissable. Mes formations et mes rencontres m’ont guidé dans sa réalisation, mais je ne souhaitais pas simplement reproduire la tarte telle que je l’avais apprise. Je recherchais l’intensité du citron, sa fraîcheur, son acidulé, cette incroyable vivacité qui éveille les sens. Ce qui transforme un dessert en création signature, c’est un équilibre subtil et délicat entre goût, tradition et émotion. Et c’est le client, à travers sa dégustation, qui fait de cette tarte une véritable signature.

Tarte au citron

Comment travaillez-vous la tarte au citron pour la rendre unique dans votre interprétation ?

EB : Je travaille le citron sous différentes formes, textures et températures, ce qui crée un véritable rythme au dessert. L’ingrédient clé est le citron de Sicile Femminello de chez Adamance, dont la fraîcheur et l’acidité apportent toute la signature à cette création.

Le sablé, le citron, la meringue… comment parvenez-vous à équilibrer les textures, les acidités et les sucres dans ce dessert ?

EB : La pâtisserie est un terrain de jeu incroyable. Aujourd’hui, elle est de moins en moins sucrée et met avant tout en valeur le produit, ici le citron. Pour équilibrer les textures, les acidités et les sucres, il faut tester, goûter, oser et parfois se tromper. C’est une remise en question constante, mais toujours avec simplicité, pour que chaque élément – le sablé, le citron, la meringue – trouve sa juste place dans l’harmonie du dessert.

Saint-Honore cassis

Y a-t-il un dessert « classique » que vous trouvez trop surfait ou que vous ne referiez jamais ?

EB : Pour moi, aucun dessert classique n’est surfait. Chacun porte sa propre vérité et son émotion, capable d’éveiller des souvenirs uniques, à l’image d’une madeleine de Proust : simple en apparence, mais capable de raviver des sensations et des instants précieux, profondément personnels.

Que pensez-vous des desserts façon « Dubaï Chocolate » ?

EB : Le mélange kadhaïf et praliné a déjà été exploré à plusieurs reprises, mais il reste intéressant lorsqu’il est parfaitement exécuté. L’engouement autour des tablettes et des créations façon Dubaï témoigne d’une vraie fascination pour la gourmandise. Pour moi, un dessert tendance ne prend tout son sens que lorsqu’il allie technique, goût et équilibre : un produit bien réalisé fonctionne toujours, quel que soit le style ou l’effet de mode.

Quelles sont les meilleures alternatives aux sucres raffinés en pâtisserie ?

EB : Il n’y a pas une seule réponse, cela dépend beaucoup de l’utilisation finale : dessert, glace, confiserie ou chocolaterie. En règle générale, j’utilise des sucres bruns ou non raffinés, comme le muscovado, mais aussi des fibres naturelles qui apportent goût et texture tout en réduisant le sucre raffiné.

Vous êtes aussi à la tête des créations sucrées pour l’hôtel : comment adaptez-vous votre style à ces différentes occasions ?

EB : Chaque univers que je crée a sa propre identité et ses codes. Au Gordon Ramsay au Trianon, je peux me permettre d’explorer des voies audacieuses : un dessert aux légumes ou un subtil mélange de notes fumées s’y exprime pleinement. À La Véranda, l’approche est plus classique : les desserts intemporels trouvent leur place, à l’image de notre tarte au citron, toujours plébiscitée par nos clients. Pour le Tea Time, nous naviguons entre ces deux mondes, mariant tradition et surprise, avec un objectif constant : éveiller les papilles et offrir une expérience gustative mémorable à chaque bouchée.

Quelle est pour vous la plus grande difficulté à renouveler un dessert « classique » tout en gardant son identité ?

EB : Je ne considère pas le renouvellement d’un dessert classique comme une difficulté, mais comme une invitation à réinventer, à moderniser ou à alléger le sucre, tout en respectant son identité. Faire simple, paradoxalement, est l’un des exercices les plus exigeants et les plus gratifiants. Mon métier est un véritable terrain de jeu : chaque création est un voyage sensoriel où se mêlent textures, saveurs et émotions, et où chaque bouchée devient une expérience unique à partager.

Comment voyez-vous l’évolution de votre dessert au fil des saisons ou des années ?

EB : Cette tarte au citron est devenue une signature intemporelle, un dessert dont l’expérience reste intacte, quelle que soit la saison. Je peux l’adapter subtilement selon les produits ou le contexte, mais je ne la revisiterai pas : sa fraîcheur, son acidité et son équilibre délicat sont son identité, et c’est précisément ce qui en fait un dessert iconique.

🍋 Informations utile

Waldorf Astoria – Trianon Palace Versailles
1 Boulevard de la Reine, 78000 Versailles
📍 Restaurant La Véranda & Gordon Ramsay au Trianon
💶 Tea Time à partir de 58 € – Desserts à la carte selon la saison
🌐 waldorfastoriaversailles.fr